Concert d 'ouverture du Festival des Nuits Musicales du Suquet, Cannes
- par Jonathan Benichou
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- 21 août, 2018
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C’est avec joie que je me suis prêté à écrire mon ressenti sur l’ouverture du Festival Le 19 juillet 2018 aux Nuits musicales du Suquet avec l'Orchestre de San Remo, direction Misha Katz.
MOZART Les noces de Figaro Ouverture
A l’appel d’un silence fondateur, Maestro Misha Katz, inaugure les premières notes jaillissantes, ruisselantes du fleuve Mozartien. Immédiatement, l’articulation ciselée au pinceau ailé laisse place à un souffle métaphysique divin.
Le tempo idéal ne se conforme plus en une exigence de la partition, mais laisse place à un organisme respirant une urgente nécessité d’existence.
Mozart est bien apparu en l’espace d’un instant de grâce.
BEETHOVEN, 5eme concerto pour piano et orchestre op .73 « l’Empereur »
Une nouvelle énergie est sur le point de fractaliser une nouvelle ascension, celle du 5ème concerto de Beethoven avec le légendaire pianiste roumain Dan Grigore qui fut l’un des pianistes privilégiés de Sergiu Celibidache (chef d’orchestre roumain, précurseur de la phénoménologie musicale).
D’un pas solennel emplit d’humilité extrême, il se positionne devant l’arche pianistique, réglé par les soins du maitre accordeur Jaques Coquelin avec une minutie digne d’un horloger travaillant la matière brute, transmuant l’instrument en pure beauté harmonique.
Le premier accord explose des profondeurs générées par le silence de l’attente. Surgit alors le thème de l’exposition qui traduit la folie d’un rythme effréné.
Nous ne sommes plus dans une perspective temporelle d’une suite logique, mais bien relié par un pont architectural sonore du début à la fin de l’œuvre. Comme le soulignait Sergiu Celibidache, la musique peut nous faire pénétrer et basculer dans un processus d’accès direct à l’état de non pensée où toutes choses s’unissent. Les couleurs de l’instrument résonnent comme de l’or au travers d’un toucher très confidentiel et secret de Dan Grigore. Ce qui est frappant est l’équilibre entre réserve et explosion toujours intériorisée. La symbiose entre le chef et le soliste est telle que tous les instruments conversent dans un état d’ivresse collective.
Le public participe à cette causerie qui induit une danse de la conscience. Comme l’a spécifié Misha Katz, « avec Beethoven on ne joue pas, on affronte ». Ce fut un concerto n 5 de Beethoven empirique, où toutes les normes étaient brisées par une vision du compositeur dépassant les clivages stylistiques.
Métropolite HILARION concerto grosso pour deux violons avec Mikhaïl Bezverkhni et Pal Laszlo Szomora
A l’image des concertos grosso de J.S. Bach, un prêtre orthodoxe–compositeur et chef d’orchestre dédie sa création française à deux violonistes de génie : Mikhail Bezverkhni 1er prix du concours reine Elizabeth de Belgique, peintre du violon et son élève Pal Laszlo Szomora, primé de plusieurs compétitions. A 16 ans, il produit une sonorité très pure, dont la fraicheur d’expression est déjà au service d’une maturité instrumentale très rare.
En préambule au geste décisif, les mains du prêtre se fondent en roche dans la construction baroque et avant-gardiste d’un modernisme palpable.
Avec dignité, chaque note est pesée, intégrée, gravée.
Le public peine à reconnaitre qu’il entend un chef d’œuvre au même titre que Bach qui ne fut compris que bien après sa mort, tout comme Mozart ou tant d’autres…
L.V BEETHOVEN 8eme Symphonie op.93
Œuvre occulté, elle tisse secrètement la 9eme Symphonie, « l’Hymne à la joie ».
Misha Katz sculpte les contours de cette matière tridimensionnelle et perce une forme d’éternité au-delà du temps et de l’espace. L’écriture concise semble pressée par le temps, irrésistiblement, telle une course contre la montre.
Peu à peu, l’auditoire s’ouvre à cette jubilation et vit, communie avec la transe du chef dansant. L’arche sainte beethovénienne prend toute sa dimension, par-delà le temps et vibre aux pulsions irrésistibles d’une volonté de vie.
La quintessence de la symphonie se révèle dans Le final, nous menant vers des sphères telluriques, au-delà du souffle.
C’est un état qui ressemble à celui de Samadhi chez les indiens ou encore celui de l’union au divin.
Ce fut un concert d’ouverture très fort en sensations et perceptions, un concert aux couleurs d’un festival à la programmation foisonnante, en présence de nombreux artistes passionnants.
Écrit par Jonathan Benichou, pianiste concertiste